Délégation et contrôle
Comment en faire le moins possible, en améliorant votre performance, et sans révolutionner vos méthodes de travail
Savoir comment déléguer est central pour un manager. Il se trouve point d’entrée de nombreuses tâches et responsabilités qu’il ne peut faire tout seul. Une mauvaise délégation des tâches peut rapidement conduire à une saturation de sa capacité de travail. Soit parce qu’il prend trop de tâches à son niveau. Soit parce que les travaux distribués sont mal réalisés, prennent beaucoup plus de temps que prévu et l’obligent à se réorganiser de façon intempestive.
Bien comprendre la problématique de la délégation, et du contrôle qui lui est directement liée, est donc capital pour la performance globale de l’équipe, voire la santé mentale de son chef.
Pourquoi déléguer ?
En tout premier lieu, il faut remarquer qu’un chef n’est jamais seul, sinon ce n’est pas un chef. Il dispose d’une équipe qu’il organise pour réaliser les tâches qui lui sont confiées. Et donc, la façon dont il va organiser la répartition des tâches va avoir un impact direct sur le rendement du groupe, et sa propre capacité à prendre en compte soit des responsabilités plus ambitieuses, soit dégager du temps pour améliorer encore sa performance.
Cette remarque peut paraitre évidente, mais combien de managers se bornent à distribuer les tâches au petit bonheur, sans vraiment analyser l’efficacité des processus actuels et la performance de ses collaborateurs, voire distribuent les tâches en fonction de la personne qui passe devant son bureau au mauvais moment ?
Que faut-il déléguer ?
Ma position est simple : tout ce que vous pouvez. C’est-à-dire toutes les tâches dont vous n’êtes pas expressément responsable comme : organisation interne de l’équipe, responsabilités liées à l’autorité ou à la représentation de l’équipe.
Le reste peut et doit être délégué dans la mesure du possible. Il ne faut surtout pas culpabiliser de déléguer à vos collaborateurs, tant que vous les soutenez et leur donnez les moyens pour travailler bien entendu. Pourquoi ? Car votre rôle est avant tout d’optimiser la coordination de votre équipe, interne et vis-à-vis de vos interlocuteurs extérieurs. Si vous ne le faites pas, personne d’autre ne le fera. Si vous êtes saturés, et que vous négligez l’optimisation des processus internes ou des échanges avec vos partenaires, vous risquez de perdre en performance (en gros travailler pour rien, vous et vos collaborateurs), et vous éloigner de vos objectifs principaux.
Je vous conseille donc de prendre le temps qu’il faut pour réaliser les tâches d’optimisation du travail de groupe. Réfléchissez sur l’amélioration permanente de vos performances collectives, ce que personne d’autre que vous ne peut faire. Vous serez collectivement plus efficaces, et dégagerez du temps pour encore améliorer : votre rapidité, la quantité de travail accomplie, l’expertise de chacun par l’échange ou la formation, et réduire le temps de travail global. C’est un état d’esprit qui représente un vrai cercle vertueux, avec un retour sur investissement rapide et concret.
Comment déléguer ?
(les références de page se rapportent au livre « Soyez chef pas manager », voir ici)
- Etre clair dans les tâches données (p124)
Un travail mal expliqué et peu précis a toutes les chances de ne pas être réalisé comme souhaité.
La meilleure façon d’être clair dans ses directives est de s’astreindre à donner des objectifs SMART (développé dans cet article) : Simples, Mesurables, Acceptables, Réalistes et bornés dans le Temps. Ce conseil vaut pour les objectifs que vous donnez, comme pour ceux que vous recevez. Soyez vigilants à ce que les tâches qui vous sont confiées respectent aussi ces critères. sans quoi vous pouvez vous engager dans des travaux irréalisables.
- Laisser le maximum de marge de manœuvre (p127)
Pour prendre un exemple concret, le milieu militaire, par nature très hiérarchisé, pourrait laisser penser à une organisation plutôt rigide et très contrôlée. Or, dans le cas d’une opération d’envergure, qui implique des milliers, voire des dizaines de milliers d’hommes éparpillés sur des distances considérables, il n’est pas possible de tout contrôler à chaque instant sans ralentir voire bloquer le cours des opérations. Il est donc indispensable de déléguer et répartir les responsabilités. D’où le développement du principe de «Mission command » (voir cet article) dérivé des anciennes doctrines prussiennes. Seuls les effets à obtenir et les raisons de l’action sont explicités à chaque commandant hiérarchique. L’initiative et le soin du déroulement sont laissés aux échelons subordonnés. Ces notions s’expriment notamment dans la maxime « décision centralisée, exécution décentralisée », diffusée dans la plupart des écoles d’officier. Laissez à vos collaborateurs la latitude qui leur revient.
- Prendre en compte la maturité des collaborateurs (p124)
Vos collaborateurs diffèrent par leur expérience, leurs compétences, leur formation, leur âge, leur motivation, leur disponibilité, entre autres. Autant de critères qui doivent être pris en considération quand vous leur confiez des travaux.
Un psychologue hongrois du nom de Csikszentmihalyi a théorisé cette dualité compétence / complexité avec le modèle de l’état de flow (voir article). Il indique qu’il existe un lien entre la compétence de la personne et la complexité des tâches qu’il va pouvoir réaliser et dans laquelle il va pouvoir s’épanouir. Une personne peu expérimentée pourra réaliser et s’accomplir dans des tâches simples et adaptées à ses compétences. Si on lui confie des tâches beaucoup trop complexes, elle sera surexploitée et se sentira surmenée. A l’inverse, une personne beaucoup plus compétente cherchera des travaux à la hauteur de ses possibilités. Sous-exploitée, elle s’ennuiera et sera lassée par un travail inintéressant.
Attention également à répartir équitablement les travaux plus ou moins intéressants entre ceux qui peuvent légitimement les accomplir. Le manque d’équité risque d’être mal vécu, surtout si l’équipe est resserrée. Soyez donc équilibré dans la distribution des « saucisses » (terme habituellement utilisé pour des travaux peu excitants). Ou bien expliquez clairement et sans ambiguïté votre approche, de façon à éviter les ressentiments à venir.
- Prendre en compte la sensibilité et l’importance des tâches
Le fait de contrôler la bonne réalisation des tâches données n’est pas un manque de confiance. Le contrôle fait partie d’un processus itératif qui consiste à vérifier que ce que vous avez demandé a bien été réalisé et de la façon dont vous le souhaitiez. Il permet ainsi d’ajuster les consignes données en fonction du résultat obtenu. Il est nécessaire de bien faire comprendre que ce n’est pas seulement un jugement du travail réalisé. C’est également un moyen de vérifier que les consignes données étaient suffisamment claires et explicites, et que celui qui doit s’en charger a bien compris.
Dans certains milieux, par exemple le nucléaire militaire qui ne peut pas tolérer d’erreur, les tâches sont très codifiées et systématiquement contrôlées. De plus, les chaines d’exécution et de contrôle sont hiérarchiquement séparées et constituées de personnels avec un statut totalement différent pour éviter tout conflit d’intérêt à n’importe quel niveau de la chaîne de commandement (voir « les décisions absurdes tome II » p235).
Vous avez donc besoin d’ajuster votre niveau de contrôle en fonction des risques induits : dangerosité, confidentialité, conséquences financières. C’est aussi une opportunité pour revoir et muscler votre analyse des risques (voir p187).
- Mettre en place des outils de répartition et contrôle (p128)
La majorité des cadres n’utilisent que leurs boites mail pour suivre les tâches et travaux reçus et distribués. Il faut savoir qu’il existe une multitude d’autres outils. Le tableau blanc (oui !) en est un idéal, indémodable et non piratable pour le travail collaboratif. Il existe évidemment de nombreux outils numériques partagés, qui permettent de clarifier et optimiser le suivi de vos travaux. Ces aspects sont développés dans l’article suivant. Tester et utiliser de nouvelles méthodes facilitera également la prise en charge du télétravail dans votre structure. L’article décompose les différents domaines à couvrir a minima, quelle que soit votre activité : suivi des tâches, réalisation collaborative, et communication entre les membres de l’équipe. Pour chacun, il explique les tenants et aboutissants, en proposant une panoplie d’outils en fonction de votre budget et de vos moyens.
Conclusion :
Savoir comment déléguer, c’est donc finalement gagner du temps mais surtout de la liberté d’esprit. Vous pourrez ainsi plus facilement vous reposer sur les autres, ou vous absenter, et ils seront (pour la plupart) heureux d’être responsabilisés. C’est également faire monter en compétences son (ses) équipe(s) et améliorer les résultats collectifs et individuels. Commencez petit à petit et avec méthode, il y a tout à gagner. (Merci à Eddy pour la suggestion d’article)
Et vous, quelle est votre méthode pour déléguer ?
Merci encore de faire partie de nos lecteurs et à très bientôt !
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Vous pouvez également comprendre comment ces notions peuvent être exploitées en tant que manager ou responsable d’un groupe : découvrez le livre Soyez Chef Pas Manager. Il développe toutes ces dimensions purement humaines qu’un chef doit connaître et développer pour être à l’aise avec ses collaborateurs, dans toutes les situations.