Le Lean Management (3/3) : utiliser les ressorts de la psychologie sociale pour faciliter les changements de mentalités

Temps de lecture : 4 minutes

 

Cet article aborde les principes et les approches qui facilitent la mise en place d’une stratégie Lean, voire tout type de changement organisationnel ou de paradigme au sein d’une structure. Il utilise des savoirs-faire éprouvés et certains ressorts classiques de la psychologie sociale.

Pour une présentation rapide du Lean management, voir ici. Pour la présentation d’une mise en place « cheap » à moindre frais, voir là.

 

  1. Tout d’abord un terrain fertile…

En effet, et c’est un point fondamental qui a déjà été abordé dans les autres articles sur le Lean ou le management du changement, il faut un milieu permissif. C’est-à-dire que : si dans votre structure règne la loi de l’arbitraire, si les différents chefs ou superviseurs mettent un point d’honneur à utiliser l’information et les ressources disponibles à leur unique profit, ou si vous subissez une réforme tous les 6 mois, chacun est probablement déjà dans une posture de résistance ou de survie, avec des stratégies personnelles éprouvées de protection contre les menaces à venir.

Dans ce cas, il sera très difficile de convaincre vos collaborateurs d’adopter de nouvelles mesures censées les aider. Ils n’y croiront pas. Ou ils seront sensibles à votre bonne volonté, mais resteront persuadés qu’elle se fracassera sur la prochaine vague de changement inattendue. Courage, tout n’est pas perdu, mais il faut d’abord convaincre au-dessus avant de réformer au-dessous.

Dans les autres cas, la configuration est plus favorable, mais la partie n’est quand même pas gagnée d’avance.

 

  1. Toujours suivre les quatre lois fondamentales !

« Celui qui veut faire quelque chose se heurte à ceux qui veulent faire le contraire, ceux qui veulent faire la même chose, et surtout ceux qui veulent que rien ne soit fait ! » Proverbe chinois (ou sud-américain, comme vous voudrez)

 

Loi 1 : parler le même langage

Il faut bien assimiler une des lois fondamentales du management (et même de la vie en société) : « les autres ne pensent pas comme nous !». Chacun évolue dans un environnement différent, avec des codes parfois différents, des modes de pensées différents et un quotidien différent. Avant de juger les actions, voire même avant de commencer à s’expliquer, il est essentiel de bien comprendre les motivations et l’environnement de chacun, pour parler la même langue et voir les mêmes choses. 

 

Loi 2 : informer n’est pas former

Deuxième loi fondamentale : il ne suffit pas d’informer pour changer un comportement ! Même le raisonnement le plus logique n’a aucun effet s’il n’est pas suivi d’un minimum d’engagement personnel. 

Imaginons que vous souhaitez voir un collaborateur rétif au changement agir différemment car sa manière de faire n’est vraiment pas la meilleure. Vous lui expliquez donc pourquoi et comment. Il y a chances pour qu’il vous réponde « Ok, d’accord » … en espérant que vous le laissiez tranquille. 

Si vous lui demandez s’il a bien compris, il vous répondra « oui mais… » en vous expliquant les raisons pour lesquelles il n’a pas envie de modifier sa méthode, car c’est la meilleure. 

Si enfin vous persistez encore et lui demandez s’il va bien s’attacher à la manière dont vous voulez, il vous répondra certainement : « vous pouvez répéter, de quoi vous parliez déjà ? »

En bref, et c’est peut-être aussi du vécu pour vous aussi, après avoir expliqué, il est souvent nécessaire de s’assurer que la personne a bien compris (voir première loi) et est convaincue de devoir agir autrement.

 

Loi 3 : montrer l’exemple

Troisième loi générale et probablement la plus importante, voire la plus évidente : montrer l’exemple ! 

D’une part l’exemple dans son bureau ou son environnement de travail : tout doit être bien rangé, clair et propre, surtout si on entame une démarche Lean ou 5S. 

D’autre part l’exemple dans ses actions : tout problème rencontré qui a une solution simple doit être résolu dans l’instant ou le plus rapidement possible. Commencez par vous-même !

 

Loi 4 : constance et persévérance

Gérer un changement est une opération longue et fastidieuse. Durant tout le processus, le message doit rester clair et continu. Il ne doit pas y avoir de doute sur la volonté d’aboutir et le fait d’inclure toute l’organisation. Une bonne campagne de communication, globale et suivie, sera ainsi nécessaire (pas besoin de coller des affiches partout, en parler régulièrement et soutenir l’importance de la démarche suffit souvent largement).

 

 

  1. Bien préparer le commencement ! 

Les étapes initiales sont cruciales pour une bonne adhésion du groupe. Pour mettre toutes les chances de son côté, il est possible d’utiliser un certain nombre de techniques connues pour faciliter l’engagement et qui ont fait leurs preuves (voir ici). 

Je proposerais une approche en quatre temps : acte préparatoire, réunion d’amorçage, présentation de la méthode, série d’audits d’accompagnement.

  • Acte préparatoire : un sondage rapide par écrit peut être organisé, demandant aux personnes de donner leur avis sur les conditions de propreté, de rangement, d’organisation ou d’amélioration. Ce aura pour but de les impliquer initialement (voir acte préparatoire).
  • Réunion d’amorçage : des réunions seront organisées en petits groupes (une dizaine maximum) afin d’amener les employés à discuter des thèmes du sondage et dégager des pistes d’amélioration (ces réunions seront aussi très utiles pour le management).
  • Présentation de la méthode (au moins pour les personnes clés et les plus actives, public à déterminer en fonction des circonstances et des deux premières étapes) : l’objectif est de présenter la démarche de changement, avec des solutions adaptées aux problématiques déjà soulevées. Il est important de suggérer le niveau d’exigence souhaité, avec des exemples (notamment de management visuels) parlants pour tous. Plus le public travaille sur le terrain, plus il est nécessaire d’exposer des exemples concrets.
  • Enfin, réaliser des audits par service, en concluant sur un état des lieux, un plan d’action (qui peut inclure des acteurs externes) et une assistance éventuelle.

 

  1. Les petits plus : les trucs de terrain pour convaincre

Changer n’est pas facile : il est beaucoup plus simple et rassurant de continuer à travailler comme avant, même s’il s’avère que l’on peut faire beaucoup mieux. 

De ce fait, et on touche ici à la notion de dissonance cognitive, tout le monde trouvera une bonne excuse pour ne pas changer : « ce n’est pas le moment », « je ne sais pas par où commencer », « je n’ai pas le temps » ou le cultissime « on a toujours fait comme ça ».

Ainsi, il vous faudra vous aussi des punchlines efficaces pour contrer les classiques du genre et faire bouger les lignes.

Voilà un extrait des répliques les plus efficaces (évidemment il est plus pertinent de contrer un argument fallacieux par l’exposition d’un mauvais exemple bien réel, funestement connu de tous) :

  • « rien n’est jamais parfait », 
  • « c’est plus agréable de travailler dans un environnement propre et bien rangé »
  • « ça vous évitera de chercher un outillage pendant des heures (comme la dernière fois…) »
  • « (pour des opérationnels souvent en déplacement) je sais que vous avez l’habitude de travailler dans des conditions dégradées à l’extérieur, toutefois ici on peut chercher à travailler dans de meilleures conditions… »
  • ou dans certains cas : « vous savez ce qu’on dit en sécurité routière, les habitudes ça tue ! »

 

Lors d’un audit 5S tel que présenté dans l’article précédent, il ne faut pas hésiter à résoudre immédiatement les problèmes qui peuvent l’être. Ainsi, après avoir fait la liste des imperfections à améliorer, il peut être intéressant de commencer à arranger quelque chose de facile, puis quelque chose de plus long, jusqu’à initier une amélioration plus générale du service audité. Cela permet d’initier une dynamique d’amélioration (notamment pour toutes les petites choses qui le méritaient depuis longtemps) et de corriger immédiatement de nombreux défauts (cela prend un peu de temps sur le moment, mais vous verrez ce n’est finalement pas si long pour un résultat immédiat et durable). De plus, vous démontrez une forte volonté.

Si vous n’avez vraiment pas le temps, il existe aussi la technique du un-peu-c’est-mieux-que-rien. Vous expliquez que vous comprenez parfaitement les manques de temps, de personnel, etc, mais que vous apprécierez néanmoins une toute petite amélioration même insignifiante, pour faire preuve de bonne volonté. Il y a des chances qu’elle soit finalement plus consistante qu’espérée.

Enfin, ne pas oublier de valoriser les personnes (par un étiquetage positif), et capitaliser sur les résultats des uns et des autres. Les bons exemples et les bonnes pratiques (sans discriminer négativement, il faut toujours valoriser les gens) seront mis à l’honneur.

 

Au bilan

Voilà quelques démarches et outils pour préparer et accompagner un changement de mentalité. Le management du changement, c’est avant tout du contact humain et de la conviction, toujours et encore. Changer les personnes et améliorer une organisation, cela ne se fait pas en envoyant des emails. C’est là toute la difficulté, mais toute la richesse aussi du rôle de chef.

J’espère que cet article vous aura plu. N’hésitez pas à commenter et partager avec ceux ou celles qui pourraient être intéressés.

Merci encore de faire partie de nos lecteurs et à très bientôt !

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