Le Lean Management (1/3) : pour ou contre ?
Le Lean est une méthode d’amélioration continue, une méthode de management diront certains, de plus en plus populaire. De nombreux consultants et autres black belts seront prêt à vous convaincre que 30% de productivité sont accessibles très facilement si vous employez leurs talents. Que faut-il en penser ?
De quoi s’agit-il ?
La démarche Lean peut s’aborder sous divers angles : un premier tour d’horizon permet des marges de progrès sont plus ou moins évidentes et faciles à mettre en place (typiquement le 5S, voir ici). De nombreux autres éléments peuvent être aussi analysés :
- les gaspillages (notion de 7 gaspillages)
- les process pour en extraire toutes les non-valeurs ajoutées à réduire ou éliminer (pertes de temps ou de production non justifiées)
- réorganiser les process en flux tiré (c’est-à-dire que le client tire le processus de production, qui s’adapte à la commande et non plus à la production estimée, ce qui permet au passage de réduire tous le stocks et immobilisations intermédiaires, mais implique de revoir l’organisation interne)
- les indicateurs, tableaux et autres outils de management visuel
- la responsabilisation des acteurs et les outils d’amélioration continue
Les méthodes d’analyse sont globalement efficaces et ne nécessitent pas de sortir de polytechnique (ni de l’ordinaire !), le bon sens paysan est roi (le Lean est en fait un concentré de bon sens paysan).
Un point à garder en tête : un stage Lean Management Green Belt dure en gros une semaine et coûte au moins 2000 Euros, par personne (tarifs variables cependant).
Alors Le Lean Management, pour ou contre ?
Pour … mais si ça prend bien !
Car il s’agit avant tout d’un état d’esprit.
Il n’est pas toujours facile de changer de fournisseur d’outils ou de matières premières, il n’est jamais facile de changer le logo de l’entreprise (même si cela parait simple, cela nécessite une bonne étude amont sans parler du plan de déploiement), et il est encore plus difficile de changer de mentalité de travail.
Le Lean Management est un concentré de bonnes pratiques, qu’il suffirait presque d’appliquer simplement en suivant le manuel à la lettre pour atteindre une efficacité en perpétuelle amélioration. Le principe est là, et c’est assez simple. C’est la partie facile de la partition, qui peut être jouée par n’importe quel connaisseur en la matière en une série de conférences bien menées.
Ce qui l’est moins c’est de faire adopter les principes par toute l’organisation, c’est-à-dire les êtres humains qui la composent.
D’une part les différents cadres qui gèrent l’activité, et à qui va être expliqué que l’organisation qu’ils ont contribué à élaborer jusque là est plus que perfectible, et qu’il faut la faire évoluer la bouche en cœur. D’autre part toutes les petites mains et petits bras qui vont devoir changer leurs habitudes !
D’autant que, et c’est un principe de base du Lean Management, c’est la production qui tire l’organisation, c’est-à-dire que les changements doivent venir d’en bas, des acteurs, de ceux qui exécutent. D’un certain point de vue, ce sont eux qui touchent la « matière » et donnent la valeur ajoutée de base, tous les autres n’étant là que pour les aider à s’organiser, se former, travailler en sécurité, …
Autant dire qu’il faut amorcer une petite révolution intellectuelle pour arriver à stimuler les échelons les plus bas dans un processus d’amélioration continue, quand ce sont justement les échelons à qui l’on a toujours fait comprendre qu’ils étaient là pour exécuter sans se poser de question !!!
Voilà le premier vrai challenge du Lean Management : changer les mentalités de toutes les strates de l’organisation (et vers le même but !).
Un investissement en communication mais surtout en temps
Le deuxième challenge, c’est le temps. Analyser tout un process est long, perturbe le travail quotidien et demande beaucoup d’effort aux acteurs concernés. D’autant que le travail est réalisé en aveugle. Il ne peut pas être défini à l’avance ce qui va vraiment s’améliorer. Même si nous sommes persuadés que les efforts seront payants, beaucoup de personnes peuvent rapidement torpiller le processus d’amélioration. Et si les appuis solides manquent pour soutenir le processus, il est difficile de garder la foi plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour enfin démontrer la plus-value de ce qui est mis en place.
La vraie difficulté à surmonter pour mettre en place une démarche Lean en entreprise :
70% des tentatives de changement échouent, principalement à cause d’une résistance des échelons de management intermédiaires et de proximité, et probablement d’un accompagnement insuffisant (communication interne, suivi, volonté d’aboutir).
Et donc, une démarche de transformation Lean Management, pour ou contre ?
Il n’existe donc pas de réponse évidente.
En effet, inutile d’entamer une démarche Lean à grands frais (car les tarifs d’accompagnement en la matière ne sont pas négligeables, même pour les grosses structures) si votre organisation n’est pas décidée à s’investir à 100% dans la démarche. Si vous n’êtes pas prêts à payer le prix de l’investissement personnel, mieux vaut ne pas commencer à payer celui du consultant qui va dispenser sa conférence !
En conclusion
Il est quand même dommage de passer à côté pour un manager « moderne ». En effet, le Lean s’inscrit dans une vision renouvelée du management : d’une part, pour ce qui concerne les techniques de base utilisées dans l’industrie actuellement pour réduire les temps, frais divers et activités inutiles.
D’autre part, il offre une approche du management qui ne repose plus sur une structure pyramidale et très patriarcale des organisations, mais au contraire s’imprègne d’une vision moderne, agile, évolutive de l’ordonnancement des taches ou des services, que l’on retrouve par exemple dans les notions d’ « empowerment » anglo-saxonnes, de franchise totale, en vigueur dans certaines entreprises ou de stimulation de l’innovation.
Néanmoins, la diffusion d’un esprit Lean dans une organisation est une gageure en soi. Pour l’avoir essayé à mon modeste niveau (seule personne formée au Lean à la tête d’une organisation d’un peu moins de 200 personnes), des résultats peuvent déjà se manifester sur une première période de quelques mois, mais transformer les mentalités et bouger le mammouth est un processus très long.
C’est d’ailleurs ce que je vous propose d’aborder dans un autre post : la méthode employée, les difficultés rencontrées, les résultats obtenus et les enseignements tirés.
J’espère que cet article vous aura plu. N’hésitez pas à commenter et partager avec ceux ou celles qui pourraient être intéressés.
Merci encore de faire partie de nos lecteurs et à très bientôt !